La vision ambitieuse à long terme d’établir des avant-postes humains sur la Lune dépend crucialement du développement de technologies permettant l’autosuffisance, réduisant drastiquement le coût exorbitant et la complexité logistique des missions de ravitaillement depuis la Terre. Une nouvelle avancée réalisée par une équipe de scientifiques chinois offre une solution prometteuse : une méthode novatrice pour générer des ressources essentielles comme l’oxygène et le carburant de fusée directement à partir du sol lunaire, redéfinissant potentiellement la faisabilité économique et opérationnelle d’une présence lunaire soutenue.
- Une équipe de scientifiques chinois a développé une nouvelle méthode pour produire de l’oxygène et du carburant de fusée à partir du régolithe lunaire.
- Le processus utilise une catalyse photothermique en une seule étape, exploitant l’ilménite présente dans le sol lunaire comme catalyseur.
- Cette technique permet d’extraire de l’eau du régolithe à 200°C et de la faire réagir avec du dioxyde de carbone pour produire de l’oxygène et du méthane.
- L’innovation promet une réduction significative des coûts logistiques, estimant le transport d’eau depuis la Terre à 83 000 $ par gallon.
- Les défis majeurs incluent la faible conductivité thermique du régolithe et l’approvisionnement limité en dioxyde de carbone sur la Lune.
- La prochaine étape cruciale est de valider la scalabilité et l’efficacité de cette technologie en conditions lunaires réelles pour permettre une présence humaine durable.
L’innovation repose sur un processus de catalyse photothermique en une seule étape qui tire parti du régolithe abondant de la Lune, et plus spécifiquement du minéral ilménite, en tant que catalyseur. Cette technique extrait l’eau du sol lunaire en le chauffant à environ 200 degrés Celsius (392 degrés Fahrenheit) à l’aide de lumière solaire focalisée. Par la suite, du dioxyde de carbone, qui pourrait provenir de l’expiration des astronautes ou d’autres opérations lunaires, est introduit. L’ilménite catalyse alors une réaction entre l’eau extraite et le dioxyde de carbone, produisant à la fois de l’oxygène pour la respiration et du méthane, un propergol de fusée viable. Cette approche intégrée, comme l’a souligné Lu Wang, chimiste à l’Université chinoise de Hong Kong, promet une meilleure utilisation de l’énergie et une complexité d’infrastructure réduite par rapport aux méthodes antérieures à plusieurs étapes ou à celles nécessitant des catalyseurs transportés depuis la Terre.
Les implications économiques sont considérables. Le transport de nécessités même basiques, comme l’eau, de la Terre vers la Lune est d’un coût prohibitif, avec des estimations suggérant des coûts de 83 000 $ par gallon. La Lune, bien qu’apparaissant aride, recèle des réserves d’eau substantielles piégées dans des minéraux au sein de cratères polaires constamment à l’ombre. L’utilisation de cette ressource indigène, combinée à un processus qui élimine le besoin de catalyseurs fournis par la Terre, pourrait réduire considérablement les coûts opérationnels des bases lunaires. De plus, le méthane est un carburant de fusée plus stable et donc plus gérable que l’hydrogène liquide, réduisant ainsi la machinerie et l’entretien nécessaires à la surface lunaire – un avantage essentiel pour les missions de longue durée. Des entités commerciales, telles que la société chinoise Landspace, démontrent déjà la viabilité des fusées propulsées au méthane.
Défis et considérations d’échelle
Malgré les promesses, la technologie fait face à des défis considérables qui nécessitent une validation approfondie. Philip Metzger, physicien planétaire à l’Université de Central Florida et co-fondateur du programme « Swamp Works » du Centre spatial Kennedy de la NASA, souligne plusieurs obstacles pratiques. Une préoccupation principale est la propriété d’isolation thermique du régolithe lunaire, qui entrave une distribution efficace de la chaleur. Cette caractéristique pourrait réduire significativement le taux d’extraction de l’eau, nécessitant des solutions mécaniques complexes comme le « culbutage » du sol, ce qui introduirait davantage de pièces mobiles susceptibles de tomber en panne dans l’environnement lunaire hostile, caractérisé par des fluctuations de température extrêmes et une poussière omniprésente.
Un autre défi important réside dans l’approvisionnement en dioxyde de carbone. Les calculs suggèrent que l’expiration des astronautes à elle seule ne fournirait qu’environ un dixième du CO2 nécessaire à ce processus, nécessitant potentiellement le transport de dioxyde de carbone depuis la Terre, ce qui contredirait l’objectif principal de l’autosuffisance lunaire. Metzger avance également qu’un catalyseur conçu à cet effet, tel que le nickel sur kieselguhr, bien que coûteux à transporter initialement, pourrait s’avérer plus efficace et rentable à long terme grâce à sa réutilisabilité, compensant les avantages de l’utilisation d’un régolithe lunaire moins efficace.
Bien que la recherche démontre de manière convaincante la faisabilité chimique de l’utilisation du régolithe lunaire comme catalyseur pour la production de ressources, la prochaine étape cruciale consiste à prouver la scalabilité de la technologie et son efficacité opérationnelle dans des conditions lunaires réelles, y compris la faible gravité et le rayonnement intense. Des programmes comme les missions Artemis de la NASA représentent des opportunités vitales pour l’essai et la maturation de ces technologies d’utilisation des ressources in situ (ISRU), indispensables pour passer de visites lunaires transitoires à une présence humaine durable sur la Lune.