Acquisition US Steel par Nippon Steel : La « Golden Share » redéfinit l’investissement étranger en sidérurgie.



L’acquisition prolongée d’US Steel par le japonais Nippon Steel, une transaction évaluée à près de 15 milliards de dollars, a finalement abouti à un accord unique qui confère au gouvernement des États-Unis une supervision sans précédent sur les opérations de cet emblématique sidérurgiste américain. Ce «partenariat historique», finalisé plus d’un an après sa proposition initiale, gère des préoccupations complexes de sécurité nationale et des considérations politiques intérieures, établissant un nouveau paradigme pour l’investissement étranger dans des secteurs stratégiquement vitaux.

L’accord positionne la nouvelle entité combinée comme le quatrième producteur d’acier mondial, défiant un marché international majoritairement dominé par les fabricants chinois. Cet alignement stratégique promet d’infuser les installations d’US Steel avec les technologies avancées de Nippon Steel, soutenu par un engagement substantiel de 11 milliards de dollars en investissements de capitaux pour des modernisations d’ici 2028. En retour, Nippon Steel obtient un accès amélioré au robuste marché américain de l’acier, qui a connu un renforcement ces dernières années en raison des tarifs imposés sous l’administration de l’actuel président Donald Trump et de l’ancien président Joe Biden.

Le précédent de la supervision gouvernementale

Une pierre angulaire de l’accord finalisé est la mise en œuvre d’une disposition de «golden share» (action spécifique), un mécanisme essentiel conçu pour répondre aux préoccupations persistantes de sécurité nationale. Cette disposition habilite le gouvernement fédéral américain à nommer un administrateur indépendant au conseil d’administration d’US Steel et lui accorde des droits de consentement explicites sur une série de décisions commerciales critiques. Celles-ci incluent toute réduction proposée des engagements de capital de Nippon Steel, les changements d’identité d’entreprise ou de siège social d’US Steel, la fermeture ou la mise en veille d’usines américaines, et tout transfert de production ou d’emplois en dehors des États-Unis. En outre, le gouvernement aura son mot à dire sur les décisions commerciales majeures telles que l’acquisition d’entreprises américaines concurrentes et les stratégies spécifiques en matière de commerce, de travail et d’approvisionnement provenant de l’extérieur des États-Unis.

Cette intervention gouvernementale sans précédent souligne une tendance croissante dans la politique américaine, où la sécurité économique est de plus en plus assimilée à la sécurité nationale, en particulier dans le contexte de la concurrence économique mondiale. Anthony Rapa, avocat chez Blank Rome spécialisé dans le commerce et l’investissement, considère cela comme un signal de l’évolution des priorités plutôt qu’un frein à l’investissement étranger, notant que de tels mécanismes de «golden share» sont probablement réservés aux cas hautement sensibles et complexes. De même, Anil Khurana, directeur exécutif du Baratta Center for Global Business de l’Université de Georgetown, souligne comment la définition de la sécurité nationale s’est élargie pour englober la sécurité économique nationale, avec un accent sur la concurrence stratégique, notamment avec la Chine.

Le cheminement de la transaction vers l’approbation a été considérablement influencé par un environnement politique tendu, rencontrant une résistance initiale de la part des deux candidats à la présidence. Alors que le Comité sur l’investissement étranger aux États-Unis (CFIUS) a mené ses examens, le président Trump a par la suite signalé une ouverture à un arrangement, ce qui a ouvert la voie au concept de «golden share» comme moyen de concilier les intérêts de sécurité nationale avec la transaction commerciale. Pour obtenir l’approbation, Nippon Steel a systématiquement renforcé ses engagements, promettant de maintenir un conseil d’administration et une équipe de direction majoritairement américains pour US Steel. D’autres assurances incluaient un engagement contre les licenciements ou les fermetures d’usines résultant de la transaction, une promesse de ne pas importer de brames d’acier pour concurrencer les hauts fourneaux nationaux, et un accord pour produire et approvisionner US Steel à partir de sources nationales, telles que les opérations minières du Minnesota. Le sidérurgiste japonais a également affirmé le droit d’US Steel de poursuivre des actions commerciales en vertu de la loi américaine.

L’aboutissement réussi de cet accord reflète également une interaction complexe entre stratégie industrielle et relations de travail. Alors que Nippon Steel vise à augmenter significativement sa capacité annuelle de production d’acier brut pour atteindre un objectif de 100 millions de tonnes, le syndicat United Steelworkers, représentant une partie des employés d’US Steel, a exprimé de vives préoccupations. Leur accord de travail actuel expirant en 2026, le président international du syndicat, David McCall, a souligné leur détermination à agir si la sécurité de l’emploi, les pensions ou d’autres avantages venaient à être menacés, signalant une vigilance continue de la part d’un groupe d’intervenants clé.