Le prix Nobel de physique 2025 récompense une avancée capitale en mécanique quantique, attribuant la distinction à John Clarke, Michel H. Devoret et John M. Martinis. Leurs recherches ont réussi à démontrer les principes de la mécanique quantique au sein de circuits électriques macroscopiques, marquant une rupture significative par rapport au domaine traditionnellement microscopique où ces phénomènes étaient exclusivement étudiés. Cette percée, coïncidant avec le centenaire de la formulation de la mécanique quantique, souligne l’impact durable de la théorie et son potentiel croissant pour l’innovation technologique.
La mécanique quantique, initialement développée pour élucider les comportements particuliers des particules subatomiques, a joué un rôle déterminant dans le façonnement de la technologie moderne, des lasers à l’imagerie médicale, en passant par les puces à semi-conducteurs qui alimentent notre monde numérique. Cependant, les défis inhérents à l’observation et à la manipulation des effets quantiques à leurs échelles minuscules d’origine ont longtemps constitué une barrière redoutable à une compréhension scientifique plus approfondie et à une application pratique.
Combler le fossé quantique
Les dernières décennies du 20e siècle ont été marquées par un effort concerté des scientifiques pour contrôler et mesurer précisément des objets quantiques individuels. Cette quête d’ingénierie quantique vise à exploiter les propriétés contre-intuitives de la physique quantique, telles que la superposition et l’intrication, pour des avancées technologiques transformatrices. L’objectif ultime est de concevoir des machines quantiques capables de traiter l’information de manière fondamentalement nouvelle, offrant des avantages potentiels en matière de calcul, de simulation et de communication sécurisée.
Une condition préalable essentielle à la réalisation de ces technologies quantiques est le développement de composants fiables et contrôlables qui fonctionnent à une échelle humaine tout en respectant les lois quantiques. Les recherches de Clarke, Devoret et Martinis ont apporté une réponse cruciale à ce défi, démontrant que la frontière entre le monde quantique microscopique et la réalité macroscopique pouvait effectivement être franchie.
Les circuits supraconducteurs comme « atomes artificiels »
Travaillant ensemble à l’Université de Californie à Berkeley, en 1985, les lauréats se sont concentrés sur des circuits électriques construits à partir de supraconducteurs. La supraconductivité, un état de la matière caractérisé par une résistance électrique nulle à basse température, découle des interactions électroniques quantiques. C’est au sein de ces circuits supraconducteurs que le trio a observé pour la première fois des comportements quantiques distincts manifestés par une variable d’échelle macroscopique.
Plus précisément, ils ont étudié le phénomène des paires de Cooper, où les électrons dans un supraconducteur se lient et se comportent collectivement comme une seule entité. En fabriquant un dispositif connu sous le nom de jonction Josephson – essentiellement deux supraconducteurs séparés par une couche isolante ultra-mince – et en le refroidissant à des températures extrêmement basses, ils ont pu observer l’effet tunnel quantique. Il s’agit d’un processus par lequel les particules peuvent traverser des barrières d’énergie qui seraient classiquement insurmontables.
De plus, en exposant la jonction Josephson à un rayonnement micro-ondes, ils ont mesuré des niveaux d’énergie discrets, ou quantifiés, analogues à ceux trouvés dans les atomes microscopiques. Cette réalisation remarquable a conduit à la conceptualisation du circuit supraconducteur comme un « atome artificiel ». Ces atomes artificiels étaient de taille macroscopique, conçus et fabriqués par l’homme, et surtout, ils présentaient des propriétés quantiques.
Impact et orientations futures
Les travaux pionniers de Clarke, Devoret et Martinis ont eu des implications profondes. Fondamentalement, ils ont prouvé que les phénomènes quantiques n’étaient pas confinés au domaine microscopique et pouvaient être observés et manipulés à plus grande échelle. Sur le plan pratique, la création d’atomes artificiels supraconducteurs a ouvert de nouvelles voies pour la construction de machines quantiques sophistiquées grâce à des techniques d’ingénierie avancées.
Les recherches ultérieures, s’appuyant sur ces découvertes, ont vu des progrès significatifs dans le développement de prototypes d’ordinateurs quantiques utilisant des circuits quantiques supraconducteurs. L’élément fondamental de ces processeurs est le bit quantique supraconducteur, ou qubit, qui est essentiellement un atome artificiel intégrant des jonctions Josephson. La capacité à contrôler et mesurer précisément les états quantiques de ces qubits reste un domaine critique de recherche continue dans la technologie de l’information quantique.
Ce prix Nobel célèbre ainsi des recherches qui se situent à l’intersection de la science fondamentale et de l’ingénierie appliquée. L’approche expérimentale rigoureuse des lauréats pour tester les hypothèses de la mécanique quantique, associée à leur vision des technologies quantiques pratiques, illustre l’esprit d’investigation scientifique et d’innovation qui continuera de stimuler les avancées dans ce domaine.