Une découverte archéologique révolutionnaire en Asie du Sud-Est a fondamentalement remodelé notre compréhension des pratiques funéraires humaines antiques, révélant des preuves de momification intentionnelle par fumage qui précèdent de milliers d’années les exemples précédemment reconnus. Cette découverte témoigne d’une ingéniosité culturelle et technologique sophistiquée au sein des sociétés de chasseurs-cueilleurs il y a jusqu’à 14 000 ans, repoussant de millénaires la chronologie de ces méthodes de conservation complexes.
L’analyse approfondie, menée sur des dizaines de sépultures en Chine, au Vietnam et en Indonésie, a identifié les plus anciens cas connus de momification humaine. Bien que les restes n’aient pas été visiblement momifiés, l’examen des marques de carbonisation sur les squelettes — trouvés étroitement repliés en position accroupie — a indiqué une exposition prolongée à une chaleur douce. Cette technique, connue sous le nom de fumage, aurait efficacement éliminé l’humidité des tissus mous, empêchant la décomposition, une méthode encore utilisée aujourd’hui par certains groupes indigènes, notamment en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les parallèles entre ces anciennes poses accroupies et les momies modernes fumées ont été essentiels à l’hypothèse des scientifiques.
Auparavant, les plus anciens exemples confirmés de momification remontaient à environ 7 000 ans avec la culture Chinchorro au Chili et à environ 4 500 ans avec l’Égypte ancienne. Les nouvelles preuves provenant d’Asie du Sud-Est étendent ainsi l’histoire connue de la momification humaine de milliers d’années, une réévaluation significative de notre compréhension de l’innovation humaine antique. Le Dr Hsiao-chun Hung, auteur principal de l’étude et chercheur principal à l’Université nationale australienne, a souligné que cette tradition reflète probablement une impulsion humaine intemporelle pour une union durable avec les êtres chers.
Des techniques avancées révèlent des rituels cachés
La sévérité de la contorsion des squelettes, qui semblait anatomiquement impossible sans intervention, a d’abord intrigué les scientifiques, dont le professeur Hirofumi Matsumura de l’Université médicale de Sapporo au Japon. Cela suggérait que les corps avaient été manipulés avant l’inhumation. Bien que certains os aient montré une carbonisation visible, celle-ci était constamment partielle et localisée (coudes, avant du crâne, membres inférieurs), excluant la crémation et suggérant une exposition stratégique à la chaleur.
Pour les sépultures dépourvues de signes visibles de brûlure, les chercheurs ont utilisé des méthodes d’imagerie avancées : la diffraction des rayons X et la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier. Ces techniques ont révélé des signes persistants d’exposition à la chaleur, invisibles à l’œil nu. La diffraction des rayons X a indiqué des changements dans la microstructure osseuse dus au chauffage, tandis que la spectroscopie a détecté des preuves de chauffage prolongé à basse température dans environ 84 % des échantillons. Certaines zones décolorées, non visiblement carbonisées, ont également été attribuées à l’exposition à la fumée.
Sur la base de ces découvertes et de parallèles ethnographiques, les auteurs de l’étude ont proposé un processus de préparation détaillé : les corps étaient disposés en position accroupie au-dessus d’un feu à basse température, chauffés jusqu’à ce que la fumée dessèche les restes, puis le corps momifié par fumage était transféré à sa dernière demeure. Des preuves de fumage ont été trouvées dans des os provenant de neuf sites, l’artefact le plus ancien, un os de bras du nord du Vietnam, datant de 14 000 ans. La plupart des échantillons couvraient une période allant de 12 000 à 4 000 ans.
Signification culturelle et héritage durable
Cette pratique met en lumière une interaction unique entre technique, tradition, culture et croyance au sein des cultures pré-néolithiques du sud de la Chine et de l’Asie du Sud-Est. Son extraordinaire persistance à travers une vaste région et une période de temps étonnante, du Paléolithique supérieur à nos jours, souligne ses profondes racines culturelles. La Dre Emma L. Baysal, professeure agrégée d’archéologie à l’Université Bilkent, a noté que de tels systèmes complexes pour traiter les défunts impliquent des croyances sophistiquées sur l’au-delà et ont nécessité une ingéniosité considérable pour la conservation dans des environnements humides.
L’investissement de temps et d’énergie dans le fumage, pouvant impliquer des mois de soins continus selon les registres ethnographiques modernes, témoigne d’un amour profond et d’une dévotion spirituelle au sein de ces communautés anciennes. De futures recherches pourraient explorer davantage si ces pratiques sont liées à des groupes ancestraux partagés et à des schémas migratoires vers l’Asie depuis l’Afrique, approfondissant notre compréhension de l’évolution culturelle humaine et de l’impulsion humaine durable à honorer et à préserver la mémoire des morts.