Des recherches récentes publiées dans *BMJ Evidence-Based Medicine* suggèrent que tout niveau de consommation d’alcool pourrait augmenter le risque de développer une démence plus tard dans la vie. Cette découverte contredit des études antérieures qui indiquaient qu’une consommation modérée d’alcool pourrait offrir des bienfaits neuroprotecteurs. Les chercheurs émettent l’hypothèse que la divergence pourrait provenir du fait que les études antérieures ne parvenaient pas à distinguer adéquatement entre les personnes n’ayant jamais bu et celles ayant cessé de boire, ce qui aurait pu fausser les résultats observés.
L’enquête actuelle a employé une approche novatrice en analysant des données génétiques liées à la consommation d’alcool. Cette méthodologie, connue sous le nom de randomisation mendélienne, est conçue pour atténuer les variables confondantes et le potentiel de causalité inverse – où une condition pourrait influencer un comportement plutôt que l’inverse. Cette analyse génétique permet d’estimer l’impact cumulatif de l’alcool sur la vie d’une personne, un détail souvent manqué dans les études observationnelles qui capturent généralement une période limitée et s’appuient sur des données auto-déclarées potentiellement inexactes.
Le Dr Anya Topiwala, auteur principal et chercheuse clinique senior à l’Université d’Oxford, a souligné l’importance de ces analyses génétiques. « Les résultats des analyses génétiques ont montré que même de petites quantités d’alcool pouvaient augmenter le risque de démence », a-t-elle déclaré. « C’est la plus grande étude sur le sujet, et la combinaison d’analyses observationnelles et génétiques a été essentielle. »
Bien que les conclusions de l’étude soient substantielles, les experts appellent à une interprétation nuancée. Le Dr Richard Isaacson, directeur de la recherche à l’Institut des maladies neurodégénératives en Floride, a décrit l’étude comme fournissant « des preuves, mais pas définitives, que l’alcool peut nuire au cerveau, quelle que soit la quantité consommée ». Il a noté que pour les personnes ayant une prédisposition génétique accrue à la maladie d’Alzheimer, comme celles porteuses du variant APOE4, l’abstinence d’alcool est conseillée sur la base des preuves actuelles. Pour celles ayant un risque génétique plus faible, le moment et la manière de la consommation pourraient jouer un rôle plus important.
La composante observationnelle de l’étude a puisé des données auprès de près de 560 000 participants de la UK Biobank, ainsi que des données du US Million Veteran Program. Bien que ce segment ait indiqué que les buveurs légers (moins de sept verres par semaine) avaient un risque de démence plus faible que les gros buveurs, il a également montré que les non-buveurs et les abstinents à vie présentaient un profil de risque similaire à celui des gros buveurs.
Cependant, l’analyse génétique, qui a examiné les données de 45 études impliquant 2,4 millions de personnes, a révélé une tendance plus préoccupante. Une prédisposition génétique plus élevée à la consommation d’alcool était corrélée à un risque accru de démence. Plus précisément, l’étude a indiqué une augmentation de 15 % du risque de démence pour la consommation de trois verres par semaine par rapport à un verre par semaine sur une vie. De plus, un doublement du risque génétique de dépendance à l’alcool était associé à une augmentation de 16 % du risque de démence.
Malgré ces conclusions, il est important de reconnaître qu’aucune des composantes de l’étude ne peut établir définitivement un lien de causalité direct entre la consommation d’alcool et la démence. Néanmoins, ces résultats s’alignent sur un corpus croissant de preuves suggérant une association entre la consommation d’alcool et un risque accru de démence. À cela s’ajoutent les recherches fondamentales en neurosciences qui ont démontré les effets neurotoxiques directs de l’alcool sur les cellules cérébrales.