En souvenir de GeoCities, le précurseur des médias sociaux des années 1990



Si vous avez navigué sur le web dans les années 1990, il est fort probable que vous ayez croisé la route de GéoCités. Cette plateforme d’hébergement web, très prisée à l’époque, a été active aux États-Unis de 1994 à 2009, et même jusqu’en 2019 au Japon. À son apogée, elle a servi de domicile à des dizaines de millions de pages web personnelles.

Qu’est-ce que GeoCities ?

Au milieu des années 90, le World Wide Web, comme on l’appelait alors, était une sorte de nouveau territoire à explorer. Les gens ordinaires avaient la possibilité de publier toutes sortes d’informations, quelles que soient leurs spécificités, pour un public mondial.

Cependant, il fallait des serveurs informatiques puissants pour faire tourner les logiciels de serveurs web de l’époque. Ces serveurs nécessitaient des connexions réseau rapides et onéreuses, ce qui rendait l’hébergement de sites web coûteux au départ. Un utilisateur devait payer un abonnement mensuel, disons 10 $, pour louer quelques mégaoctets d’espace sur un serveur web distant, ou alors obtenir de l’espace web avec son abonnement FAI.

La publication web était alors assez basique. Pour mettre un site en ligne, il fallait modifier un fichier HTML dans un éditeur de texte, puis le transférer (avec quelques images) sur le serveur web via un client FTP, et surtout, faire preuve de beaucoup de patience.

En 1995, GeoCities a introduit une approche alternative à l’hébergement payant. La plateforme proposait une petite quantité d’espace web gratuitement (environ 2 mégaoctets au départ), et facturait un supplément mensuel si l’utilisateur souhaitait plus d’espace de stockage.

Vers 1997, GeoCities a commencé à équilibrer ses coûts en demandant à ses utilisateurs d’afficher des publicités sur leurs pages hébergées. À l’instar de Tripod, GeoCities est devenu un acteur majeur dans la démocratisation d’Internet, permettant à toute personne ayant une connexion web de diffuser facilement des informations en ligne.

Un espace social sur le web

Les sites web sur GeoCities étaient créés par des personnes très diverses, ce qui donnait à chaque page un aspect unique, reflétant la personnalité de son auteur. De cette manière, GeoCities a en quelque sorte anticipé l’attrait qu’allaient connaître plus tard les réseaux sociaux comme MySpace et Facebook.

En personnalisant leurs sites, les membres de GeoCities ornaient leurs pages de bannières promouvant des causes qui leur tenaient à cœur, de publicités pour leurs logiciels préférés (comme le navigateur web Netscape), de GIFs animés sur le thème des fêtes, d’images de leurs émissions de télévision préférées, et bien plus encore.

Dès le début, les sites web sur GeoCities étaient organisés en « quartiers » virtuels, chacun associé à un thème général. Par exemple, « Hollywood » était dédié au divertissement, « Area51 » à la science-fiction, et « SiliconValley » à l’informatique.

Le nom du quartier apparaissait dans l’URL du site, qui comprenait aussi une adresse numérique unique, par exemple :

http://www.geocities.com/siliconvalley/7070

Vers la fin des années 1990, la popularité de GeoCities a explosé, et la plateforme est devenue le troisième site web le plus visité. Avec le temps, le nombre de quartiers a considérablement augmenté. Au début des années 2000, GeoCities hébergeait des pages web sur quasiment tous les sujets imaginables.

On pouvait trouver des sites sur les casernes de pompiers locales, des avions militaires, des albums photos de vacances, des travaux d’élèves du primaire, des généalogies, des enlèvements extraterrestres, de la poterie, et la liste continue encore et encore.

Une brève galerie de pages web GeoCities archivées

Nous avons sélectionné quelques exemples de sites web GeoCities de l’époque, qui ont été archivés pour la postérité par oocities.org. Les images qui suivent ont été capturées dans un navigateur web moderne, elles ne sont donc pas forcément une réplique exacte de ce qu’étaient ces pages à leur apogée.

Cependant, ces captures vous donneront une idée de l’aspect des mises en page et des graphiques de l’époque sur le web, entre la fin des années 90 et le début des années 2000.

Faisons un bond dans le passé :

Le site web Packard Bell de Ray: À un moment donné entre le milieu et la fin des années 90, un certain Ray a créé un site web de support non officiel pour les ordinateurs Packard Bell, une marque populaire de PC grand public à l’époque. On y trouvait des informations détaillées sur différents modèles d’ordinateurs Packard Bell. Au milieu des années 2000, Ray ne mettait plus guère le site à jour, mais un message annonçant la naissance de sa petite fille trônait en haut de la page.

La super page d’accueil des PME: Ce fansite Super Mario a été créé par Mario Alberto. Sa dernière mise à jour date d’environ 2001, mais il est riche en informations sur les différents jeux et dessins animés Mario. Il y a même une page dédiée au créateur de Mario, Shigeru Miyamoto.

La page web Geezer-Computer Geek de Tom Premo: L’histoire derrière ce site web enthousiaste est que Roy T. (Tom) Premo, Jr., était un passionné d’informatique sans histoire jusqu’à ce qu’il rencontre le président Bill Clinton et le vice-président Al Gore. Il est alors devenu comme par magie un geek de l’informatique et a créé un site web typique des années 90, rempli de GIFs animés qui tournent.

Dr Quinn, Fan Fiction de Medicine Woman: Le site de fan de SL Snyder pour la série télévisée des années 90 présente des dizaines d’histoires romantiques et déchirantes, ainsi que des tranches de vie mettant en scène les personnages de la série. Sa dernière mise à jour remonte à 2005, mais vu le nombre d’histoires, il est fort probable qu’il ait été en chantier pendant longtemps.

Site des fusées à eau: Ce site peu commun de Yoram Retter présente des plans pour construire vos propres fusées à eau, des photos de fusées à eau en action, et même des lancements de fusées à eau animés, le tout sous forme d’infographie. C’est un bon exemple de la manière dont une passion personnelle, aussi obscure soit-elle, pouvait trouver sa place sur GeoCities.

La fin de GeoCities

En 1999, le géant de l’internet Yahoo a racheté GeoCities pour 3,5 milliards de dollars. Le service GeoCities a alors entamé des changements structurels, même si bon nombre de ses anciennes pages sont restées en ligne. GeoCities a conservé une certaine popularité auprès des nouveaux venus sur le web au début des années 2000.

Toutefois, sa popularité a commencé à décliner à mesure que l’hébergement web devenait moins cher, et plus souvent inclus dans les forfaits FAI ou peu onéreux, comme les comptes Mac.com. La montée en puissance des réseaux sociaux, comme MySpace, a également contribué à sa disparition.

En 2009, Yahoo a annoncé la fermeture de GeoCities, provoquant un tollé parmi les défenseurs du patrimoine numérique, qui déploraient cette perte massive d’une part de notre histoire culturelle. Une équipe d’archivistes bénévoles s’est attelée à capturer le plus de pages GeoCities possible avant que Yahoo ne coupe le service.

Ils ont ainsi archivé environ 100 000 sites, dont la plupart sont aujourd’hui consultables sur des sites miroirs, comme oocities.org.

Comment voir les sites GeoCities aujourd’hui

Malgré la disparition de nombreux sites au moment de la fermeture de GeoCities par Yahoo, les archives oocities constituent une capsule historique inestimable de la culture internet de la fin des années 90 et du début des années 2000. Nous avons de la chance de pouvoir encore y accéder. Il est indéniable que GeoCities a offert un espace d’expression personnelle essentiel, et cela n’a rien perdu de sa valeur.