La société de biotechnologie Colossal Biosciences, basée au Texas, a annoncé une avancée significative dans son ambitieux projet de résurrection du dodo, l’oiseau incapable de voler et aujourd’hui disparu. Les scientifiques de l’entreprise ont réussi à cultiver des cellules germinales primordiales (CGP) spécialisées à partir du pigeon biset, une espèce de pigeon commune. Cette percée représente une étape cruciale vers la création d’une approximation fonctionnelle du dodo, une espèce qui a disparu de l’île Maurice il y a environ 400 ans.
La culture de CGP à partir du pigeon biset, un oiseau lointainement apparenté au dodo, s’appuie sur le succès antérieur de la création d’oiseaux hybrides. Auparavant, les chercheurs avaient établi des recettes de culture cellulaire pour les CGP chez les poulets et les oies, réussissant même à produire un poulet issu d’un œuf de cane. L’exploit de Colossal réside dans le développement d’une nouvelle recette pour les CGP de pigeon, un processus qui a impliqué le test de plus de 300 combinaisons de facteurs de croissance et de molécules. Ce succès élargit considérablement le potentiel des technologies de reproduction aviaire, jetant les bases du projet dodo.
La méthodologie de Colossal pour la dé-extinction des oiseaux diffère de ses efforts de dé-extinction des mammifères, tels que l’annonce récente de trois loups direaux. Comme les oiseaux se développent dans des œufs, le clonage direct de cellules, comme utilisé pour les mammifères, n’est pas réalisable. Au lieu de cela, l’approche de Colossal nécessite un processus multi-générationnel, impliquant la création séparée d’oiseaux mâles et femelles avant la reproduction pour incorporer des gènes modifiés. Cette complexité inhérente signifie que l’entreprise est encore à des années de son objectif ultime.
La prochaine phase immédiate pour Colossal consiste à utiliser les CGP de pigeon cultivées pour produire des pigeons bisets vivants par le biais de poulets substituts, servant de preuve de concept. Parallèlement, l’entreprise travaille à la culture de CGP à partir du pigeon de Nicobar, le parent vivant le plus proche du dodo. Une colonie d’élevage de pigeons de Nicobar a été établie au Texas à cette fin.
La vision à long terme implique le génie génétique de ces CGP de pigeon de Nicobar avec des traits génétiques spécifiques au dodo, dérivés de données génomiques de l’oiseau éteint. Ces CGP modifiées seraient ensuite introduites dans les embryons de poulets génétiquement modifiés, conçus pour être stériles. Les poulets sont choisis comme substituts en raison de leur incapacité à voler, ce qui les rend plus faciles à gérer, et des connaissances scientifiques existantes sur la manière de les rendre infertiles. L’attente est que ces CGP modifiées deviendront des œufs et des spermatozoïdes fonctionnels, et que les générations ultérieures de descendants de ces poulets porteront les caractéristiques génétiques semblables au dodo.
Cette entreprise n’a pas été sans critiques. Les détracteurs soutiennent que la technologie, bien qu’impressionnante en génie génétique, ne réalise pas une véritable « dé-extinction » mais crée plutôt des espèces hybrides génétiquement modifiées. Ils soutiennent que la mise en avant de tels efforts pourrait détourner l’attention et les ressources de la nécessité urgente de protéger les espèces actuellement menacées et leurs habitats. Colossal a clarifié que son objectif n’est pas d’obtenir une réplique génétique à 100 % mais de créer des copies fonctionnelles possédant des traits clés.
Au-delà du projet dodo, les avancées de Colossal dans la culture de CGP et le génie génétique promettent beaucoup pour la conservation aviaire au sens large. Ces techniques pourraient jouer un rôle déterminant dans l’amélioration de la diversité génétique des populations d’oiseaux menacées, les aidant potentiellement à s’adapter aux environnements changeants ou à résister aux maladies. Tout en reconnaissant le potentiel de ces technologies, les experts avertissent qu’elles ne constituent pas une solution unique à la crise de la biodiversité, soulignant l’importance primordiale de prévenir la perte d’habitat et l’extinction. Colossal a récemment annoncé avoir levé 120 millions de dollars supplémentaires, portant son total à 555 millions de dollars depuis sa création en septembre 2021.