Une avancée révolutionnaire en observation astrophysique marque un pas significatif vers la compréhension des événements les plus extrêmes de l’univers. Une décennie après la détection initiale des ondes gravitationnelles, les scientifiques ont maintenant mesuré avec précision la vitesse et la direction d’un trou noir nouvellement formé alors qu’il reculait suite à une fusion. Cette première caractérisation complète du recul d’un trou noir offre des aperçus cruciaux sur les processus énergétiques qui suivent la coalescence de deux trous noirs parents, en exploitant les ondulations subtiles mais puissantes de l’espace-temps, prédites pour la première fois par Albert Einstein.
Les fusions de trous noirs comptent parmi les événements les plus cataclysmiques du cosmos, donnant naissance à un trou noir unique et plus grand. Un aspect spectaculaire, bien que jusqu’alors « inouï », de ces fusions est le « coup de pied » (kick) imprimé au nouveau trou noir. Ce coup de pied résulte d’une distribution inégale des ondes gravitationnelles émises pendant la fusion, propulsant le trou noir « fille » loin de son lieu de naissance cosmique à des vitesses immenses, potentiellement des millions de miles par heure – assez rapide pour échapper à sa galaxie d’origine.
La signature unique d’ondes gravitationnelles de ce recul se distingue des signaux réguliers des trous noirs en fusion ou en spirale. Cette émission inégale signifie que le signal varie en fonction de la position de l’observateur par rapport au recul du trou noir, une différenciation qui permet aux scientifiques de déduire à la fois la direction et la vitesse de l’objet propulsé. Juan Calderon-Bustillo, chef d’équipe de l’étude et chercheur à l’Instituto Galego de Física de Altas Enerxías (IGFAE), a comparé cela à un orchestre où les auditoires situés à différents endroits perçoivent des combinaisons uniques d’instruments, leur permettant ainsi de cartographier leur position.
Comprendre le Recul Cosmique
Pour étudier ce phénomène, Calderon-Bustillo et son équipe ont analysé le signal d’ondes gravitationnelles GW 190412, enregistré par le Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory (LIGO) et Virgo en 2019. Cet événement particulier, impliquant la fusion de deux trous noirs de masses différentes, était un candidat idéal pour leur nouvelle méthodologie, développée en 2018. Cette nouvelle approche a permis des mesures de « kick » en utilisant les capacités des détecteurs existants, une capacité que l’on pensait auparavant nécessiter de futurs observatoires comme LISA.
Le trou noir créé par la fusion GW 190412 a été observé s’éloignant à une vitesse étonnante de 112 000 miles par heure (50 kilomètres par seconde). Bien que ce ne soit pas la vitesse maximale qu’un trou noir puisse atteindre après une fusion, cette vélocité est suffisante pour que le trou noir échappe à l’attraction gravitationnelle d’un regroupement stellaire dense, tel qu’un amas globulaire. Koustav Chandra, membre de l’équipe d’étude de la Penn State University, a souligné l’importance, déclarant : « C’est une démonstration remarquable de ce que les ondes gravitationnelles peuvent accomplir. »
Les Futures Frontières de l’Observation
La mesure précise du recul de ce trou noir, incluant sa direction et sa vitesse, ouvre de nouvelles voies pour l’astronomie multi-messagers. Les recherches futures visent à combiner les données d’ondes gravitationnelles avec les observations de rayonnement électromagnétique – la base de l’astronomie traditionnelle. Samson Leong de la Chinese University of Hong Kong a expliqué que les fusions de trous noirs dans des environnements denses, comme les noyaux galactiques actifs (AGN), peuvent produire des signaux électromagnétiques détectables connus sous le nom d’éruptions (flares). La visibilité de ces éruptions dépend de l’orientation du recul par rapport à la Terre. En mesurant le recul, les scientifiques peuvent distinguer une véritable paire de signaux ondes gravitationnelles-électromagnétiques d’une coïncidence aléatoire, améliorant ainsi la fiabilité de ces détections multi-messagers.
Cette recherche pionnière, publiée dans la revue Nature Astronomy, souligne le pouvoir transformateur de l’astronomie des ondes gravitationnelles. Elle non seulement élargit notre compréhension de la dynamique des trous noirs, mais prépare également le terrain pour une nouvelle ère d’exploration cosmique, où les événements les plus violents de l’univers pourront être cartographiés avec un détail sans précédent à travers de multiples canaux d’observation.
Sources
- GW190412: measuring a black-hole recoil direction through higher-order gravitational-wave modes
- News | GW190412: The Merger of Two Black Holes with Unequal Masses | LIGO Lab | Caltech